
Le Réseau Mwangaza dénonce le lancement de la campagne de vulgarisation de l’ordonnance-loi modifiant la législation sur l’électricité sans ratification parlementaire. L’organisation reproche au Gouvernement un manque de transparence et une absence d’inclusivité dans une réforme jugée incomplète.
Le Réseau Mwangaza, synergie des organisations de la société civile intervenant dans le secteur énergétique en Rdc, critique sévèrement la démarche du ministre des ressources hydrauliques et Électricité, qui a lancé la vulgarisation de l’ordonnance-loi n°25/025 du 5 février 2025, alors que celle-ci n’a pas encore été ratifiée par le Parlement. Cette ordonnance modifie la loi n°14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité.
Adoptée par le conseil des ministres en décembre 2024, puis promulguée par le président de la République alors que le Parlement était en vacances, la réforme a surpris plusieurs acteurs du secteur.
Le Réseau Mwangaza dénonce une démarche non conforme à la Constitution et à la loi d’habilitation du 20 décembre 2024, estimant que le Gouvernement a légiféré sans y être autorisé, en violation de l’article 129 de la Constitution.
Le Réseau Mwangaza s’alarme de l’absence de prise en compte des propositions essentielles formulées par la société civile et certains opérateurs privés lors de la réforme du cadre légal du secteur de l’électricité. Elle regrette que cette ordonnance-loi, pourtant porteuse d’enjeux majeurs pour l’avenir énergétique du pays, ait été élaborée sans une véritable concertation avec les parties concernées.
Parmi les griefs soulevés figure la remise en cause du principe de décentralisation énergétique. La réforme limite désormais le pouvoir d’action des provinces à une capacité de 5 mégawatts, une restriction jugée contraire à l’esprit de la Constitution congolaise. Mwangaza déplore également l’absence d’une politique fiscale claire et adaptée aux objectifs de l’article 48 de la Constitution, qui consacre l’accès à l’énergie comme un droit fondamental pour tous les citoyens.
Le réseau estime que la réforme aurait dû se concentrer sur le renforcement des institutions déjà en place, plutôt que d’en créer de nouvelles au risque d’alourdir les structures administratives et de compromettre l’efficacité du secteur. Il juge inappropriée la création d’une Société nationale chargée du dispatching de l’électricité, considérant qu’une structure dédiée au transport de l’énergie, englobant ces fonctions techniques, aurait été plus pertinente.
Autre point d’inquiétude : l’absence de mécanismes clairs de garantie de l’État pour encourager les investissements privés dans les régions jugées non rentables, souvent laissées pour compte en matière d’accès à l’énergie. Cette omission, selon le réseau, perpétue les inégalités territoriales.
Le Réseau Mwangaza regrette aussi que la réforme ne consacre pas de manière explicite la planification énergétique inclusive et intersectorielle comme une obligation légale, pourtant essentielle pour coordonner efficacement les politiques publiques. Il met également en garde contre la tentation d’étendre le champ d’intervention de l’État sur des matières transversales comme la transition énergétique, sans un encadrement législatif adéquat. La synergie pointe un flou juridique autour de la gestion des concessions et des marchés publics dans le secteur. La volonté de recourir à des procédures spéciales pour certains contrats soulève des craintes quant à la transparence et à la bonne gouvernance.
Face à ces préoccupations, le Réseau Mwangaza appelle le gouvernement congolais à suspendre immédiatement la campagne de vulgarisation de l’ordonnance-loi, tant que celle-ci n’a pas été ratifiée par le Parlement. Il rappelle que le texte est toujours en cours d’examen au sein de la Commission Énergie de l’Assemblée nationale, et qu’il serait prématuré, voire irresponsable, d’en accélérer la mise en œuvre sans corriger ses lacunes.
Le réseau interpelle également les partenaires techniques et financiers de la Rdc, notamment la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, les exhortant à prendre acte de l’absence de ratification et à conditionner tout appui à la prise en compte effective des contributions de la société civile et des opérateurs du secteur. Il appelle le Parlement à inclure activement ces acteurs dans les discussions techniques afin de bâtir un consensus sur les points sensibles du texte.
Enfin, Mwangaza demande au ministre des Ressources Hydrauliques et Électricité de renoncer à toute forme de passage en force. L’organisation plaide pour une réforme inclusive, portée collectivement, capable de garantir des résultats concrets pour l’amélioration de l’accès à l’électricité en Rdc.
Christian Kika
