L’approche de Noël à Bukavu est traditionnellement un moment de ferveur et de joie. Cependant, dans cette capitale provinciale du Sud-Kivu et ses environs, les préparatifs se déroulent cette année sous le poids écrasant de la crise sécuritaire et humanitaire qui sévit dans l’Est de la RDC.
La guerre frappe durement le portefeuille des familles Bukaviennes et transforme la fête en un acte de résilience, où l’espoir spirituel lutte contre l’incertitude matérielle.
L’insécurité perturbe les chaînes d’approvisionnement des denrées de base comme du riz, manioc, légumes provenant des territoires ruraux. Le coût de la vie augmente, rendant l’achat de vêtements neufs ou l’organisation de Noël un luxe inaccessible pour beaucoup.
Les marchés sont moins dynamiques que les années précédentes. L’argent, qui circule peu, est prioritairement alloué à la survie quotidienne, s’indigne Christian Lubago, activiste des droits humains dans la ville de Bukavu
Madame Carine Tshibangu, vendeuse et mère de famille rencontrée au marché de Nyawera, regrette : « Cette fête ne sera pas aussi bonne que celles des années passées. Nous allons fêter sous pression du traumatisme de la guerre … je doute que nous puisons faire la fête»
Le prix des habits a pris l’ascenseur. Nous n’avons pas les moyens. Nous nous contentons de peu pour subvenir aux besoins primordiaux de nos enfants, mais c’est difficile d’expliquer ça aux enfants qui attendent toujours la magie de Noël. Après l’incendie, qui a ravagé ma maison et tous mes biens, je ne sais pas trouver de l’argent pour cette célébration », confie Esther Musemakweli, une femme au foyer rencontrée à Mukukwe.
Pour les déplacés, Noël sera célébrée dans des conditions précaires, loin de leurs familles, villages et souvent après avoir subi des traumatismes. Certains ont perdu les enfants pendant qu’ils fuyaient les affrontements ici et là entre les Wazalendo et les M23. D’autres ont perdu des proches en cherchant des refuges. Ils sont soit morts soit portés disparus.
Dans ce contexte de crise, la signification spirituelle de Noël est décuplée. Les églises devraient être des endroits cruciaux pour prier pour le retour de la paix.
Célébrer Noël, même de manière modeste, devient un acte de résilience culturelle et morale, prouvant que l’esprit communautaire et la foi sont plus forts que la guerre.
À Bukavu, préparer Noël, c’est aussi se préparer à survivre en communauté et à affirmer, par un simple repas partagé ou un chant à l’église, la foi en un avenir plus serein pour la RDC.
Lamberte Wakenge