Un traité mondial contre les plastiques : la RDC face à sa responsabilité historique, par Solidarité pour la Protection des Droits de l’Enfant SOPRODE Asbl (Tribune Libre)

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À quelques jours de la reprise décisive des négociations à Genève dans le cadre du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (CIN-5.2), la République Démocratique du Congo (RDC) se trouve à la croisée des chemins. L’organisation SOPRODE Asbl, membre actif du réseau mondial Break Free From Plastic (BFFP), lance un appel solennel aux autorités congolaises pour qu’elles défendent une position ambitieuse, cohérente et fondée sur la justice environnementale et les droits humains.

Cet appel solennel aux autorités congolaises a été formellement transmis ce 24 juillet 2025, par le biais de deux lettres ouvertes adressées respectivement à Monsieur Jean-Pierre Bope Lapwong, Point Focal de la RDC auprès du CIN, et à Son Excellence Madame la Vice-Première Ministre, Ministre de l’Environnement et Développement Durable.

Une situation d’urgence nationale et mondiale.

La pollution plastique n’est plus un danger abstrait. En RDC, elle est visible dans nos rues, nos marchés, nos rivières et nos champs. Les quartiers populaires de Kinshasa étouffent sous les déchets plastiques, les rives du lac Kivu en sont jonchées, et la centrale hydroélectrique de Ruzizi, vitale pour l’Est du pays, peine à fonctionner efficacement en raison du plastique obstruant ses canalisations.

Or, cette pollution locale a des causes globales. Elle trouve sa source dans un modèle économique fondé sur la surproduction de plastiques à usage unique, souvent toxiques, majoritairement dérivés du pétrole et du gaz. Ce modèle menace l’ensemble de la planète et compromet les droits fondamentaux : santé, alimentation, environnement, eau potable.

La RDC déjà engagée, mais à quel niveau ?

Nous saluons les signaux positifs envoyés par la RDC : sa signature de la Déclaration de Nice en faveur d’un traité juridiquement contraignant sur les plastiques ; l’ouverture inédite à la société civile dans la composition de sa délégation à la CIN-5.2 ; et son soutien affiché aux objectifs de développement durable.

Cependant, ces engagements doivent maintenant se traduire par des positions claires et courageuses dans les négociations.

Il est essentiel que notre pays ne soit pas relégué au rôle de spectateur ou de simple figurant dans ce processus décisif. La RDC doit se positionner en leader africain sur cette question.

Dix priorités pour un traité à la hauteur des enjeux

SOPRODE ASBl appelle la délégation congolaise à défendre, sans équivoque, les priorités suivantes lors de la session CIN-5.2 de Genève, du 4 au 15 août 2025 :

1. Réduction de la production à la source

Le cœur du problème réside dans la production de plastique. Le traité doit contenir des objectifs de réduction clairs, juridiquement contraignants et progressifs.

Il faut tarir le flux à la source, et non se contenter de gérer les déchets une fois produits.

2. Élimination des produits chimiques toxiques

De nombreux plastiques contiennent des substances chimiques dangereuses. Leur interdiction, basée sur le principe de précaution, est une priorité sanitaire et environnementale.

3. Transparence et traçabilité globales

Le traité doit imposer des normes de transparence concernant la composition chimique des plastiques, leur origine et leur impact. Seule une traçabilité rigoureuse permettra des politiques publiques efficaces.

4. Financement équitable fondé sur le pollueur-payeur

Pour mettre en œuvre ces mesures, un financement solide est nécessaire. Il doit provenir principalement des grandes entreprises productrices de plastique et non des États déjà surendettés comme le nôtre.

5. Transition juste pour les travailleurs et communautés

Les ramasseurs de déchets, les femmes, les jeunes et les peuples autochtones doivent être accompagnés vers des alternatives durables. Leur savoir-faire et leur résilience doivent être valorisés.

6. Refus du colonialisme des déchets

Il faut interdire l’exportation des déchets plastiques vers les pays du Sud, y compris la RDC.

Ce transfert est une violence environnementale et une injustice historique.

7. Promotion du réemploi et de la recharge

Le recyclage a prouvé ses limites. Le traité doit encourager des systèmes non toxiques de réutilisation, recharge, consigne. C’est l’économie circulaire du futur.

8. Efficacité du processus décisionnel

Le processus de négociation ne doit pas être paralysé par des acteurs réfractaires. Il faut permettre la prise de décisions à la majorité qualifiée, lorsque le consensus échoue.

9. Intégration explicite des droits humains

Le droit à un environnement sain doit être inscrit dans le traité comme droit fondamental, au même titre que la santé, l’alimentation ou l’eau.

10. Prévention des conflits d’intérêts

Les lobbies de l’industrie pétrochimique ne doivent pas avoir voix au chapitre. Il faut établir des règles strictes d’exclusion et de transparence pour protéger les négociations.

Une opportunité pour affirmer la souveraineté de la RDC

La lutte contre la pollution plastique est aussi une lutte pour la souveraineté. Elle concerne notre capacité à dire non aux technologies imposées, aux importations toxiques, et à défendre nos choix de développement.

Par exemple, si la RDC continue à ouvrir des blocs pétroliers dans la Cuvette Centrale –une zone critique pour le climat – elle ne pourra prétendre vouloir réduire la pollution plastique, puisque 80 % des plastiques proviennent du pétrole. Cette contradiction doit cesser. Il est temps pour notre pays de choisir la cohérence, la santé et la durabilité.

La RDC peut devenir une puissance morale et diplomatique sur ces questions.

Elle en a les ressources, la légitimité historique, et désormais l’opportunité de se positionner à la hauteur de ses engagements.

Un message clair : pas de compromis sur la santé et la justice.

SOPRODE Asbl rappelle que ce traité est une affaire de vie ou de mort pour des millions de Congolais. Il ne s’agit pas d’un simple texte technique. Il s’agit de notre avenir collectif.

Chaque mot de ce traité comptera. Chaque ligne doit refléter l’intérêt des peuples, et non celui des multinationales.

La RDC ne doit pas céder aux sirènes de la complaisance ou de la diplomatie molle. Elle doit défendre une position ferme, structurée, alignée avec les besoins de ses populations, et prête à rompre avec les modèles économiques destructeurs du passé.

En conclusion

Genève sera le théâtre de décisions historiques.

Nous avons une fenêtre d’opportunité unique pour peser dans la balance du monde. Ne la laissons pas se refermer.

SOPRODE Asbl reste mobilisée, avec ses partenaires, pour accompagner ce processus, faire entendre la voix des communautés vulnérables et exiger la cohérence entre nos engagements internationaux et nos politiques nationales.

Car l’avenir ne se négocie pas. Il se protège.

Et il commence aujourd’hui.

À propos de SOPRODE Asbl

SOPRODE Asbl est une organisation congolaise de la société civile engagée pour la justice environnementale, la protection de l’enfance, le développement durable et une transition écologique inclusive. En travaillant avec les communautés locales, SOPRODE Asbl promeut des alternatives durables, mène un plaidoyer structuré et œuvre pour une société plus équitable et respectueuse de l’environnement.

 

Patrick Cishibanji

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