Les déchets ménagers traînent dans les rues de la ville de Bukavu. Ils empestent l’atmosphère. Ils constituent des foyers de multiplication des insectes et bestioles. La mairie et les organisations d’assainissement ne semblent pas à la hauteur. L‘insalubrité pose un problème de santé publique et peut-être de mentalité sociale. Les déchets sont pourtant une richesse peu ou prou exploitée dans la ville de Bukavu.
« Cette saleté traine et répand une odeur insupportable. Elle commence à servir d’une maternité des moustiques et des nids des grosses souris qui nous rendent malades et affolent les enfants », se plaint une quadragénaire, soucieuse et maudissant trois sacs des déchets ménagers entreposés devant sa parcelle sur l’avenue Pesage dans le quartier Nyalukemba de la commune d’Ibanda. Un peu plus loin, sur l’avenue de la Presse dite Pageco dans le quartier Ndendere de la même municipalité, les passants se bouchent le nez et chassent des nuées des mouches. Les habitants de la contrée se demandent pourquoi continuer à payer les organisations d’assainissement.
Le chargé de la collecte des ordures au sein du Centre africain de paix et gouvernance (Capg), Urbain Mushagalusa, sollicite un peu partout des moratoires. « Nos camions connaissent parfois des pannes et il faut les réparer », explique-t-il. Quelques responsables des entreprises membres de la Synergie des organisations d’assainissement en Rd Congo (Soa-Rdc) requièrent l’anonymat et laissent entendre que le secteur risque de faire faillite. « La mairie taxe 50 $ à chaque camion qui déverse les déchets sur le site Elakat vers le poste frontalier de Ruzizi 2. Les agents percepteurs et leurs chefs utilisent cet argent pour des fins personnelles. La ville devrait avoir une politique de gestion des déchets ménagers », s’écrie le plus coriace d’eux. Bukavu compte une cinquantaine d’associations de ramassage des déchets qui paient des taxes à la mairie.
Bukavu produit des tonnes d’immondices
« La ville héberge aujourd’hui plus d’un million d’habitants qui produisent chaque jour des tonnes d’immondices. Les poubelles et dépotoirs non vidés sont préjudiciables à la santé humaine », avertit le chef de bureau à la coordination provinciale de l’environnement, Innocent Bayubasire. Et le propriétaire de l’association « Bon Samaritain », Janvier Makombe Kabare, plus connu sous le pseudonyme de Mizo, de souligner que les cadavres des êtres vivants, espèces animales ou humaines, sont plus dangereuses. L’insalubrité s’avère un problème sanitaire relatif à la médecine préventive et dont la cause principale est l’absence et l’insuffisance des mesures d’hygiène et l’assainissement du milieu.
Le maire Meshack Bilubi le sait bien pour avoir rédigé, alors étudiant à l’Université évangélique en Afrique, son mémoire de licence sur l’insalubrité dans la ville de Bukavu. Des bacs verts en plastique furent à un certain moment placés sur les grandes artères et principaux ronds points de la ville pour recueillir les ordures. Ces dépotoirs publics, qui auraient coûté quelques dizaines de dollars américains, ne sont plus visibles. Le tout premier problème, c’est la mentalité des Bukaviens. L’environnement renseigne sur la personnalité de ceux qui y évolue et pourrait être un indice de développement.
Les ordures sont pourtant une richesse
Les déchets seraient pourtant une richesse. Les bouteilles plastiques sont recyclées sur place. Gast fabrique des pavés sur le site d’Elakat et Uncdf fait de même à Mudaka dans le territoire de Kabare. Le responsable de l’organisation « briquettes du Kivu », Murhula Zigabe, s’en sert pour aménager des jardins potagers sur des espaces réduits.
Las d’attendre un emploi décent qui ne cesse pas de les renvoyer aux calendes grecques, une vingtaine de jeunes universitaires de Bukavu viennent de créer leur propre entreprise dénommée Full développement agency (Fda), Agence de développement intégral en français. Ces garçons et filles fouinent les dépotoirs des ordures ménagères et y trient des déchets plastiques qu’ils recyclent en pavés. La petite usine de transformation fonctionne sur l’avenue Hewa Bora dans le quartier Nyalukemba vers le poste frontalier dit Ruzizi 3, au fin fond occidental de la ville de Bukavu.
Claudine Kitumaini