À Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo, une jeune femme s’impose progressivement dans un métier longtemps perçu comme réservé aux hommes. Ashuza La Reine, conductrice de moto, a décidé de s’affirmer dans un domaine considéré comme non traditionnel pour les femmes, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle perception des rôles professionals dans la société.
Depuis des années, les femmes n’ont pas habituellement exercé ce métier à Bukavu, encore moins dans les territoires environnants. L’arrivée d’Ashuza et de quelques autres femmes qui ont osé le faire avant marque petit à petit la fin d’une habitude discriminatoire solidement ancrée. Portée par sa passion pour la vitesse et sa détermination, elle a suivi l’exemple de sa grande sœur, elle-même ancienne motarde devenue formatrice. Sans passer par un centre spécialisé, Ashuza a appris sur le terrain, preuve qu’une volonté soutenue peut parfois suppléer l’absence de formation formelle.
Lors d’une interview accordée au Journal Le Souverain Libre mercredi 26 novembre 2025, Ashuza explique affronter de nombreux préjugés, mais elle refuse de se laisser décourager. Elle tire fierté de son métier, de la liberté qu’il lui procure et de l’autonomie financière qu’elle développe. Elle souligne avoir choisi cette voie pour subvenir à ses besoins sans dépendre de qui que ce soit.
«Tout ce que les gens disent de moi et de ce métier ne me décourage pas tant qu’il me permet de prendre en charge ma famille. Les préjugés ne me dérangent plus comme c’était le cas au début. Les gens disent beaucoup de choses en me voyant conduire la moto mais je suis prête à faire ce qu’il faut pour subvenir à mes besoins et assurer mon avenir.» déclare-t-elle.
En dépit des exigences de son travail, Ashuza respecte toujours les horaires de la mosquée de Nyawera où elle prie. Elle affirme que pour elle, Allah passe avant tout. Elle exerce ce métier depuis plus de deux ans maintenant. Tout Bukavu est son terrain mais elle est beaucoup plus visible sur l’axe Nyawera, Nguba et Place de l’indépendance.
Son parcours représente un signal encourageant pour toutes les femmes désireuses de s’engager dans des métiers non traditionnels. Ashuza démontre qu’il est possible de réussir dans n’importe quel domaine, même sans formation classique, et met en lumière la place essentielle que peuvent occuper les femmes dans des secteurs jusque-là dominés par les hommes.
*Des témoignages qui rassurent*
Faida Marguerite, mère de la jeune motarde, admet avoir initialement désapprouvé le choix professionnel de sa fille avant d’en reconnaître les bénéfices.
«Je ne savais pas qu’une femme peut être motarde. Mais mes filles ont commencé et elles sont calmes. Depuis que Ashuzi a commencé, elle ne dérange plus son père pour répondre à ses besoins. Elle quitte la maison le matin pour revenir le soir avec quelque chose. De fois elle nous amène à manger. Elle ne vagabonde plus jamais au quartier comme c’était le cas avant», explique-t-elle.
Charles Mukambilwa, président de l’Association des motards du Congo (section Sud-Kivu), affirme quant à lui qu’Ashuza se distingue positivement parmi les membres.
«Elle fait bien son travail. Nous recevons régulièrement des plaintes concernant les motards, mais jusque-là personne n’est venu se plaindre à mon bureau contre cette femme. Parfois les motards sont en conflit avec les policiers de circulation routière ou avec des clients, mais depuis qu’elle a débuté, elle respecte notre règlement. Pourtant, parfois les motards hommes nous tracassent la tête pour être en règle et nous recevons beaucoup de plaintes contre eux.» dit-il.
Ashuza La Reine est la fille de Lukobeka Kutumbo et de Faida Marguerite. Cadette d’une fratrie de douze enfants dont sept filles et quatre garçons, elle aura 22 ans en juin 2026. Avant de se lancer dans sa carrière de motarde, elle a obtenu un diplôme d’État en pédagogie générale au Collège Gorge Misami, une école privée située à Briginyo dans la commune d’Ibanda.
Héritier Bashige
